Contes de la France d’en Bas
Le récit est en continuelle adaptation depuis les trois derniers mandats de la présidence de la République. Il s’agit d’un conteur qu’une intelligence artificielle recommande à chacun de nos Présidents avant qu’il n’attaque la campagne électorale. À chaque fois, le conteur a pour mission de mettre au vert la Marianne afin qu’elle soit à hauteur de la situation.
VII – La fugue de Marianne
1 / Le courroux du président :
Après le dernier test sur l’avenir, Marianne n’a voulu mettre ni le masque hygiénique ni le voile pudique. Elle s’est retirée au désert. Le désert est une vieille tradition méditerranéenne. Le Christ s’était retiré dans le désert de Judée avant de décider de son entrée dans Jérusalem, les Camisards dans le désert cévenol pour registir (résister) à Louis XIV, Marianne a choisi un temps de recul pour mieux rebondir. C’est son choix, très bien !… mais il m’a fallu avertir le Président. Il m’a laissé son numéro confidentiel : « Allo Manu ? Oui, c’est le conteur… Oui le conteur-compteur ! »
Je lui ai tout raconté : Marianna e sa santat mentala, son apétis républican, son sejorn al desèrt…
(Marianne et sa santé mentale, son appétit républicain, son séjour dans le désert…) Foutre-dieu, il m’a passé un savon ! Quante savon !… Que j’étais un populiste de la laisser filer au désert alors que les présidentielles approchent ! Qu’arrive l’heure fatale de la confronter au Saint- Graal de la République ! Que si elle voit cette coupe à moitié vide, ce sera le burn-out du citoyen ! Mais que si elle la voit à moitié pleine, tous les espoirs sont permis.
Bref ! Le président m’a donné l’ordre de la rejoindre au plus vite, de lui lire le palmarès de la France d’en Bas afin qu’elle s’en réjouisse et qu’elle boive la coupe jusqu’à la lie.
2 / Au désert :
Illico-presto j’ai foncé au désert. Justement, il y avait une assemblée : l’Assemblée du désert ! Elles datent du temps des Camisards, elles sont prophétiques et il peut en sortir le pire ou le meilleur. Elles sont secrètes et on ne peut y accéder que par le bouche-à-oreille. De plus, quand tu as trouvé le lieu, un guetteur te demande le mot de passe. Ce jour-là, c’était une devinette :
Quel est le comble de la France d’en bas ?
Pas simple ! Pour le comble, je pige. Per ecsemple : lo comble del rugbyman, es de placar sa femna quand ten lo ballon. Lo comble de l’avarìcia ? … de sautar per la fenestra per pas usar los escalièrs. Lo comble de la suffisença ?… de petar quand òm a la gastro. (Par exemple : le comble du rugbyman est de plaquer sa femme quand elle a le ballon. Le comble de l’avarice ?… de sauter par la fenêtre pour ne pas user l’escalier. Le comble la suffisance ?… de péter quand on a la chiasse). Mais le comble de la France d’en bas ? ? ? Me quichavi la cervela e tot d’un còp : la lumière fut ! (je me suis pressurer les méninges et tout à coup !…)
Le comble de la France d’en bas, c’est d’être trois fois français.
Pourquoi, m’a infligé le vigile ?
– 1 : parce qu’au Moyen-Age, sèm estats colonisats. (nous avons été colonisés) 2 : parce qu’à la Révolution, es estat enterinat. (ça a été entériné) 3 : parce qu’aujourd’hui, sur la question de l’Etat-nation, sèm devenguts mai nationalists que l’Estat francès. (nous sommes devenus plus nationalistes que l’État français)
C’est bon, tu peux entrer.
3 / Le discours de Marianne
À cette assemblée, quante monde ! Je ne sais pas de quels extrêmes, ils étaient : extrême-droite, extrême-gauche, extrême-centre ? Tous avaient le drapeau tricolore à la main mais ils n’étaient pas d’accord sur les proportions des couleurs. N’i a que voliam de blanc, d’autres de blau, d’autres de roge… E òc, e non, e merda ! (Certains veulent du blanc, d’autres du bleu, d’autres du rouge. Et oui, et non, et merde !) Heureusement que quelqu’un a reconnu Marianne, tous ont fait péter une Marseillaise à exploser l’applaudimètre et ils ont voulu connaître son avis. Modeste, elle s’est contentée de raconter une fable du terroir : la faula del galet.
« Se passa en ivèrn, en Cevena. Tombava de nèu, una cisampa glaciala… Pecaire, en mitan de la nèu e de la glaça, un galet se tragelava : « Me damne, que fai fred ! Brrr… » Passèt pr’aqui una vaca de la montanha que tenià une enveja de cagar imperativa. Aquela vaca se disià : « Li arrivarai o li arrivarai pas ? » Li arrivèt pas. Blofff ! Te larguèt sa carga sens sonar. Malerosament, en dejos, se tenià lo galeton. Sul pic, aquel se diguèt : « Pas possible, lo temps a pron lèu cambiat. Bon dieu, ara, que fai caud ! Pas possible, la prima es tornada. » E de contentament, lo galet se botèt de cantar : « Cacaracà…. » Pròche d’aqui, un catàs caçava. Avià pas rès engolit dempuèi la velha, sas dents trentolhavon.. . Nhò ! Ausiguèt cantar… Solfinèt d’onte lo cant venià… E alai te vejèt lo galet que se despomonava. Ce petit coq devait être de bonne race car il chanta sur l’air d’ « Allons enfants de la patria » : « Cocorico-cocori-co-coco… » En tres bonds, lo cat s’aprochèt del galet. Per solidaritat patriotica, t’i presentèt sa patassa… En retorn, per politessa, lo galeton porgissèt lo cap de son ala. Lo cat te l’agantèt e rau ! T’engolissèt lo galeton d’una maissada.
Traduction : la fable du petit coq. Elle se passe en hiver, en Cévennes. Il neigeait, un vent glacial… Peuchère, au milieu de la neige et du glacis, un petit coq se les caillait : Brrrr…. Passe par là une grosse vache qui avait une envie impérative de bouser. Elle se démenait vers le purin : « J’y arriverai ou pas ?… » Tout d’un coup : chloc ! Elle décharge sans prévenir. Malheureusement, en dessous, il y avait le petit coq qui se demande : « Pas possible, le temps a changé. Le printemps est-il de retour ? » De contentement, il pousse son chant gaulois : « Cocorico ! » Mais non loin de là, il y avait un chat sauvage qui chassait. Il ne s’était rien mis sous la dent depuis belle lurette… Gno ! Il entend le coquelet qui se dépoumonnait : « Cocorico-cocorico… » Il devait être de bonne race car maintenant il embouche le chant patriotique : « Allons enfants de la… Cocorico-coco ». En quelques bonds, le chat accourt… Par solidarité patriotique, il tend sa grosse patte vers le petit coq qui, par politesse, lui tend le petit bout de sa petite aile… Clac ! Le chat te l’empoigne et chraou ! Il te le boulotte.
De cette histoire, les philosophes de l’ENA ont tiré trois moralités. La première recommande : « Celui qui te chie dessus n’est pas forcément un ennemi. » La seconde oppose : « Celui qui te tire de la bouse n’est pas forcément un ami ». Et la troisième conclut : « Quand on est dans la merde, il vaut mieux éviter d’entonner : « Cocorico-cocori-co-coco… »
À ce moment-là, les guetteurs du désert accourent ventre à terre, en gueulant : « Mèfi, les dragons ! Lèu, dispersion-dispersion ! »
Raspa d’aqui ! (Jambes à son cou !) J’ai pris Marianne par la main et zou, on s’est réfugiés dans le gîte d’étape que j’avais loué dans le voisinage…